Le volet qualitatif de cette étude a pour but principal de compléter les données qualitatives recoltées, en récoltant les représentations de l'écosystème pour identifier les convergences et tensions qui le traversent.
Menée entre février et mai 2025 cette enquête a compté 20 participants anonymes, consultés lors d'entretiens d'environ deux heures menés à l'aide d'un guide semi-directif structuré en 7 catégories :
Image et définition de l’alternance en enseignement supérieur
Procédure d’habilitation
Conception de programme
Évaluation de la qualité des programmes
Évaluation des apprentissages
Valorisation : incitants et indemnités
Encadrement des étudiants
Cette composition a été choisie afin de recueillir des positions qui se veulent représentatives des différentes réalités de l’écosystème de l’alternance.
L'échantillon a été constitué en assurant une représentation équilibrée selon differents paramètres :
Parties prenantes de l'alternance du supérieur en FW-B (enseignement supérieur, milieu professionnel, cabinets politiques ou d'administration).
Milieux d'appartenance (réseaux d'enseignement, secteurs, institutions)
Rôles et niveau d'implication : personnes directement concernées (étudiants, tuteurs, encadrants, enseignants, porteurs de programmes), personnes qui occupent des rôles d’encadrement et d’administration (secrétariats sociaux, services d’administration) et personnes aux rôles plus décisionnels (cabinet ministériel, fédérations professionnelles, gouvernance au sein de l’enseignement supérieur…).
Les sujets interrogés étaient informés et légitimes pour s’exprimer sur le sujet mais la démarche ne prétendait pas une exhaustivité des points de vue ni l'évitement d'un possible biais d’échantillon.
👉 Les données de l'enquête qualitative donnent une définition de l’alternance du supérieur comme une approche pédagogique. Elle relie deux lieux d’apprentissage : l’académique et le professionnel, en intégrant théorie et pratique. Contrairement au stage, l’alternance se distingue par une expérience formatrice, qui enrichit réellement le parcours de l’étudiant. Enfin, pour les entreprises, l’alternance apparaît comme une solution stratégique pour faire face aux pénuries et anticiper les besoins en compétences.
Une relation gagnant-gagnant idéalisée
En évoquant l'alternance, un idéal est vite invoqué, celui où par leur mise en contact, les acteurs de l'alternance bénéficieraient d'une approche "gagnant-gagnant". Ce lien est considéré comme "opérant" dès lors qu’il y aurait une mise en contact sans qu’il ne soit question de méthode ou de dispositif. Or certains expriment un besoin de formaliser les partenariats, et de créer un langage commun.
Une division des savoirs
Pour certains, les savoirs théoriques se traitent à l'école, et leur mise en pratique en entreprise. D'autres sont plus nuancés : les deux lieux sont le théâtre de plusieurs types d'apprentissages et l'alternance doit être distinguée des stages "classiques". L'immersion en alternance dépasse la simple mise en situation et permettrait d'être confronté au réel.
Les champs des possibles
Certains estiment que l'alternance est particulièrement utile dans les formations professionnalisantes. Au contraire, d'autres sujets en ont une vision plus élargie et estiment qu'il s'agit d'une méthodologie pédagogique à part entière.
👉 On le constate dans les représentations des interviewés, l’alternance se caractérise surtout par sa capacité à être un « entre-deux » permettant de « mettre en lien » les savoirs et les lieux, souvent considérés comme « déconnectés ». Ce faisant, tout en héritant des identités respectives de ses parties prenantes, l’alternance en enseignement supérieur tend à définir des contours qui lui sont propres en s’inscrivant dans une logique de filiation ou d’opposition par rapport aux (sous-)ensembles auxquels elle appartient.
L'alternance dans le supérieur
On perçoit d'une part une volonté de s'affranchir de toute filiation avec l'alternance du secondaire, tandis que d'autre part, une continuité est souhaitée entre les deux enseignements. Une resistance au changement est également perceptible avec une méfiance et une rigidité institutionnelle qui peuvent freiner le développement de l'alternance du supérieur.
L'alternant
L'identité de l'alternant semble surtout se dessiner par contraste avec d'autres statuts : il n'est pas un employé, pas un alternant du secondaire, ni un stagiaire. A la sortie de son cursus il aura acquis des compétences professionnelles liées à son immersion, mais il est important que celles-ci restent transférables. Selon les differentes représentations des sujets, l'alternance mène à une plus grande accessibilité de l'enseignement supérieur.
L'alternance en entreprise
L’alternance apparaît comme une réponse durable à la pénurie de talents, même si celle-ci exige parfois des actions à court terme. L’encadrement des alternants représente un investissement conséquent pour les entreprises, qui pourrait être facilité par une formation au tutorat, dont la responsabilité reste à définir. Enfin, le manque de places en immersion demeure un enjeu majeur, notamment en raison de procédures de recrutement et de gestion encore peu standardisées dans l’enseignement supérieur.
👉 En résumé : pour renforcer la pédagogie de l’alternance, il faut co-construire les programmes, développer des pédagogies actives, former et valoriser les tuteurs, et mettre en place une évaluation partagée et structurée.
Le processus de construction des programmes doit impliquer davantage les milieux professionnels. Les compétences visées doivent être définies conjointement, tout en restant transférables au-delà d’une seule entreprise.
Une approche programme permettrait, selon certains, d'articuler les compétences entre cours et immersion. Les dispositifs actuels restent trop souvent juxtaposés : l’alternant est laissé seul face à l’expérience. Les acteurs préconisent l’usage de pédagogies actives (projets, études de cas) afin de relier efficacement les deux pans.
L’évaluation doit être plus variée et progressive. Une co-évaluation formalisée entre tuteurs et superviseurs, appuyée par des grilles critériées, est jugée nécessaire.
Selon les sujets, la qualité des programmes passerait par l’implication accrue des acteurs et par des indicateurs clairs. Ceux-ci permettraient de mesurer efficacement l’interaction entre académique et professionnel.
L’encadrement est au cœur de la réussite. Les tuteurs et superviseurs doivent combiner disponibilité, pédagogie et expertise métier.
Un besoin de formation des encadrants est identifié. Ces formations doivent être adaptées, souples et valorisantes. La création d’un label ou certificat renforcerait leur reconnaissance.
👉 En résumé : les acteurs réclament une plus grande flexibilité réglementaire, une consultation renforcée des partenaires, et une approche centrée sur la complémentarité et l’adaptabilité plutôt que sur des critères figés.
La question de la validité des critères est centrale : l'alternance requiert des considérations spécifiques, mais les critères d'habiulitations de l'alternance sont additionnels à ceux de l'habilitation de plein exercice. Chaque critère actuel a été analysé dans cette enquête.
Le critère de la plus-value de la méthodologie est jugé flou et difficile à démontrer. Son interprétation varie selon les acteurs : public visé, finalité professionnelle ou articulation entre théorie et pratique.
La consultation des entreprises, tuteurs et fédérations professionnelles est considérée comme indispensable pour adapter l’offre aux besoins du marché. Mais les lettres d’intention ne suffisent pas : il faut, selon les sujets, des garanties réelles pour assurer des places d’immersion.
Le critère de non-concurrence est largement contesté. Les acteurs préfèrent une approche basée sur la complémentarité des publics et des territoires. Objectif : laisser aux étudiants un véritable choix entre cursus classique et alternance.
La limitation aux huit domaines liés aux métiers en pénurie est jugée trop rigide. Les propositions : adopter une liste souple et évolutive, ou supprimer la restriction au profit d’une évaluation au cas par cas.
L’obligation de co-diplomation crée des freins logistiques et pédagogiques. Beaucoup plaident pour en faire une option, réservée aux partenariats pertinents et volontaires.
L’élargissement de l’alternance aux certificats séduit pour sa souplesse et son intérêt auprès des publics adultes. Mais il soulève des questions sur la durée, le statut des alternants et la cohérence pédagogique des formats courts.
👉 Il ressort de l'enquête que le cadre réglementaire de l’alternance doit gagner en souplesse et clarté. Les priorités identifiées sont : une organisation plus flexible, une indemnisation progressive et équitable, et une sécurisation du statut des alternants.
La majorité des répondants se disent satisfaits des rythmes actuels (de 40 à 60% d'immersion). Toutefois, un besoin de flexibilité est exprimé pour adapter l’organisation selon les secteurs et les programmes. Plusieurs acteurs suggèrent une progressivité de la durée d’immersion, avec une montée en puissance au fil des années d’études.
La charge de travail est jugée problématique. Les alternants cumulent souvent de longues journées, avec peu ou pas de congés, et un temps réduit pour l’étude.
Les discussions soulignent la nécessité d’une progressivité des indemnités en fonction de l’avancement dans le cursus. Les acteurs appellent à une augmentation des montants, ainsi qu’à une harmonisation entre les pratiques forfaitaires et au prorata.
Le statut de l’alternant reste marqué par des zones d’ombre réglementaires. Ces ambiguïtés entraînent des tensions entre établissements et entreprises, fragilisant la collaboration.
La mobilité internationale est perçue comme une opportunité intéressante. Mais sa mise en œuvre est jugée prématurée tant que les questions réglementaires ne sont pas clarifiées au niveau de la FW-B.
👉 Les coûts et investissements nécessaires à l’alternance sont élevés, mais des leviers financiers peuvent être mis en place. Les entreprises misent sur des incitants fiscaux, les établissements sur un financement adapté, et tous s’accordent sur la nécessité d’investir dans la formation des tuteurs et la coopération école-entreprise.
Les charges principales concernent l’encadrement des alternants :
en entreprise : entre 0,1 et 0,25 ETP par étudiant,
en établissement : environ 0,5 ETP pour 30 à 40 étudiants.
S’y ajoutent des coûts liés à la lourdeur administrative.
Les acteurs interrogés estiment que les financements devraient cibler en priorité :
la formation des tuteurs, essentielle à la qualité de l’encadrement,
le soutien global du système éducatif,
et la création d’espaces collaboratifs entre établissements et entreprises pour renforcer les partenariats.
Pour les établissements, une piste avancée est l’augmentation du coefficient de financement dans certaines filières afin de mieux soutenir la charge liée à l’alternance.
Les entreprises privilégient des incitants fiscaux plutôt qu'un système de primes. Ces incitants pourraient être adaptés à leur taille, ou prendre la forme d'un financement sectoriel collectif, en échange d’un droit de regard sur les programmes.
Découvrez le point de vue des enseignants sur l’alternance et son intégration académique.
Plongez dans la perception des entreprises et leurs besoins face à l’alternance du supérieur.